Conception, réalisation et déclinaison graphiques de supports de communication imprimés et multimédias.

Off est un studio de graphisme multidisciplinaire.

Notre travail allie graphisme, identité visuelle, communication, littérature, culture, typographie et édition.


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Charte graphique et maisons d'édition, l'éternel dilemme ?

Avant d’aborder les questions propres à une identité graphique d’une collection ou d’une maison d’édition, nous allons en décortiquer les principales typologies graphiques et les éléments qui la composent.

Pour créer une identité visuelle, le graphiste combine nombre d’éléments (structure, typographie, iconographie, couleur…)
S’appuyer sur une structure. La normalisation peut, d’un ouvrage à l’autre, devenir un signe d’identification. Prenons comme exemple la collection Folio avec son espace immuable en haut blanc, l’emplacement du titre et la partie basse dédiée à la photographie. Autre exemple celui des éditions de l’Olivier et son arbre imposant dans la partie inférieure gauche. La composition inspire une idée de géométrie, d’ordre, sa simplicité de déclinaison en fait une solution fort appréciée. Une géométrie simple est un fort moyen de mémorisation, mais aussi, un damier dans lequel se trouverait l’image, une surface diagonale pour déposer un titre, un cadre, sont tout autant de formes à fort potentiels de reconnaissance.

L’iconographie peut aussi, bien évidemment, être un facteur d’identité. Le style des photographies, des visuels sont des éléments de reconnaissance et seront autant de rendez-vous pour le lecteur habitué. La nature même de cette iconographie, mais aussi la manière dont on l’utilise, le cadrage par exemple, deviennent des principes de collection de livres.

À l’opposé d’une charte inamovible et immuable, l’inconstance et la diversité portées comme principe de collection peuvent être des marqueurs d’une ligne graphique. Pendant presque 20 ans le studio Off a conçu une grande partie des couvertures des petits livres 1001 nuits. Seuls, le cartouche du nom de l’auteur et l’emplacement du logo étaient chartés, tout le reste était libre. Au fil de ces quelque 400 couvertures, toutes très différentes en terme de graphisme, l’écriture générale a évolué, mais, l’identité est restée très forte et unique en son genre tant dans la diversité des thèmes abordés que par les époques et styles d’écritures. Cette longue collaboration et amitié avec les éditrices des 1001 nuits nous ont fait prendre conscience que l’identité d’une maison d’édition est avant tout, non pas le graphisme, mais la cohérence d’un catalogue.
Le revival des illustrations des agences de voyages des années 1920 traitements illustratifs réinventés par les éditions Gallmeister en sont un autre exemple remarquable.

Autre ressort : les éléments graphiques comme principe de ligne graphique. Les éditions Thierry Magnier ont créé une collection jeunesse, sobre en couleur et sur fond blanc, utilisant des signes abstraits et simples comme une étoile. Le pari était ambitieux et osé dans un univers ultra concurrentiel ou l’abstraction était absente.

La question de la gamme colorée comme spécificité propre est à creuser une identité. Les éditions du Rouergue pour la littérature jeunesse s’appuient sur des couvertures originales très colorées. Lors d’une étude Babelio de septembre 2018 sur des grands lecteurs à la question posée : « Aimez-vous les couvertures colorées ou sobres ? » la réponse fut en faveur des couvertures colorées avec
• colorées 60%
• sobres 40 %
En revanche, la sobriété s’apprécie avec l’âge entre 12 et 17 ans seulement 25% d’entre eux aiment le sobre. Entre 55 et 64 ans, le pourcentage passe 56,9%.

La souplesse de l’utilisation de la typographie permet une large gamme de systèmes et de visuels signifiants. Les éditions Penguin Books ont créé une collection de classiques sur la littérature The great ideas en réussissant un chef d’œuvre ou la typographie est un révélateur de l’histoire du design et de la pensée.
La typographie est également primordiale pour les couvertures des livres de jeunesse. Cette dernière est à la recherche de l’expression, d’un dynamisme d’une énergie propre à cet âge de la vie. Le graphiste qui aborde la typographie pour les couvertures des livres jeunesse ne doit jamais perdre de vue l’unité de traitement entre illustration et titrage. Pour le studio Off, le choix d’une typographie juste peut s’apparenter à la recherche d’un son, de la voix singulière de l’auteur du livre.

Nous arrivons maintenant sur un double paradoxe : est-il préférable d’avoir une identité graphique forte pour la maison d’édition ou pour ses collections et faut-il avoir une identité d’auteur au détriment de la singularité d’un de ses livres ?

Est-il préférable d’avoir une identité graphique forte pour la maison d’édition ou pour ses collections ?
Prenons comme exemple les éditions Belfond, éditeur généraliste qui procède au sein de son catalogue plusieurs collections ayant chacune une identité propre (Littérature étrangère, Belfond pointillé, Le cercle Belfond,  L’esprit d’ouverture, Belfond noir, Belfond vintage…). Le lecteur pourra aisément identifier telle ou telle collection, mais sera bien incapable de reconnaître une identité commune à l’ensemble de la maison d’édition.
Un tout autre parti pris fut celui choisi par les éditions Zulma. Des motifs géométriques abstraits et colorés, le titre placé en petit sur une surface triangulaire blanche. Ce design graphique est sans aucun doute une des plus belles réalisations dans la création de couvertures de livres, mais lorsqu’on interroge les adeptes, peu sont en mesure de citer des auteurs ou des titres particuliers.

À l’autre bout du même spectre, les couvertures blanches P.O.L. accompagnées d’un titre centré toujours dans le même corps ont, elles aussi, adopté une identité maison des plus reconnaissables. Force est de reconnaître que cette dernière s’impose au détriment de la reconnaissance du titre travaillé. Si nous pouvions hasarder une comparaison : chaque livre ayant le même uniforme le défilé de l’armée est des plus magnifiques. Toute individualité a disparu au profit de l’ensemble. La singularité d’un auteur, d’un titre doit être travaillée ailleurs que sur sa couverture à travers d’autres médiums. Il est impossible de connecter une campagne de presse à cet objet sur la table des libraires.

À la question posée (étude Babelio de sept. 2018 sur des Grands lecteurs) : Pour vous, une couverture doit :
• Être à l’image de l’univers du livre, chaque couverture de livre est différente au sein d’une collection/maison d’édition.
• Répondre à une certaine charte, s’inscrire graphiquement dans le style d’une collection/ maison d’édition, comme un label.
Les lecteurs ont affiché leur préférence pour des couvertures adaptées à chaque livre :
• Les 18/24 ans à 79,4 %
• Les 25/34 ans à 74,9 %
• Les 35/44 ans à 73,7 %
La courbe se stabilise à 62,6% pour les seniors.

Voyons le deuxième paradoxe : l’identité propre à un auteur versus la singularité d’un de ses livres. Au fil du succès, certains auteurs vont se voir attribuer une ligne graphique. Le principe en est des plus clairs : il est question ici de surfer sur la vague du succès. Il serait inconcevable pour la force commerciale de ne pas capitaliser sur cette reconnaissance. En proposant des codes graphiques similaires, le lecteur va reporter automatiquement les valeurs de qualité du premier livre qu’il connaît sur le nouvel opus. On identifie tous, les couvertures du romancier Michel Bussi grâce au graphisme en papiers découpés d’une très grande efficacité. Mais au bout d’une dizaine de titres, cette répétition visuelle peut faire l’objet d’une observation : l’auteur écrit toujours le même livre… Ses intrigues ont toujours les mêmes ressorts…

Les fans resteront fans et ne seront pas lassés mais, comme ils sont fans ils auraient tout aussi bien pu suivre l’évolution de l’artiste. De plus, entre son premier ouvrage et les dernières parutions toujours traité avec le même registre graphique, nous sommes tous prêts à croire que le style et le talent de Michel Bussi s’est étoffé ce que ne reflète nullement ses couvertures. Nous pourrions résoudre ce dilemme par cet aphorisme : tout concept atteint sa propre limite. La preuve en est, pour les derniers titres de Michel Bussi l’identité graphique a évolué vers un flat design plus fouillé et plus en adéquation avec les tendances actuelles.

Après avoir créé et réalisé autour des 800 couvertures de livres le studio Off s’émerveille toujours de cette alchimie entreun texte, un auteur, un visuel. La direction artistique en design éditorial est une juste balance entre une micro et macro-identité. D‘une part, trouver une réponse pour une couverture de livre unique et d’autre part faire rentrer cet titre dans une ligne graphique générale compatible avec la ligne éditoriale de la maison d’édition. Toute charte ou système ne doit jamais contraindre la créativité et l’originalité d’une idée.

Nous faisons nôtre cet adage : Il n’existe rien de constant si ce n’est le changement (créatif bien sûr)… Nicolas Machiavel.